André Francis

André Francis dont l'appartement rempli de toute sa vie, déborde de CD, de vinyles, d'archives sonores, de livres, d’écrits, de dessins, de photos a tiré sa révérence le 12 février 2019.

Né à Paris le 16 juin 1925, il a été pendant 50 ans, l’une des voix du jazz de l’ORTF puis de Radio France sur France Musique, France Culture et France Inter.

Pourtant rien de ses origines modestes sur la Butte Montmartre ne le prédestinait à une telle vie. Ses parents, restaurateurs rue Cauchois, derrière le Moulin Rouge, avaient comme clientèle une foule bigarrée d’artistes, danseurs, peintres, écrivains, machiniste avec des habitués, devenus amis, comme Jacques Prévert, Pierre Mac Orlan ou Fernand Léger… Il les côtoie peu car il est en pension toute son enfance. A 14 ans en 1939, ses parents le place comme apprenti chez un serrurier. Et c’est la guerre !

Pendant l’occupation, il passe dans divers centres de formation professionnelle et est réorienté vers les métiers d’art : décors de théâtre et de cinéma, dessins animés. En 1943, il se retrouve au Centre du Spectacle de la rue Blanche dans le 9ème.  Il y poursuit ses études de décorateur puis d’art dramatique et de cinéma, et fait de la figuration tant au théâtre qu’au cinéma. Ses amis de l’époque sont Jean Rochefort, Maurice Ronet, Remo Forlani, Charles Aznavour, Jean Poiret, Loleh Belon…

Il peint, écrit une pièce, des poèmes, fait quelques chroniques dans Combat, côtoie Jacques André, Boris Vian, rencontre Charles Delaunay. Il va dans les clubs de jazz dont la cave du Hot Club de Paris où il se lie à Hugues Panassié, André Hodeir, Maurice Cullaz, André Clergeat, Frank Ténot…

En 1947, une petite station parisienne, Paris-Inter, diffuse des programmes conçus par le Club d’Essai dirigé par le poète et dramaturge Jean Tardieu. Véritable laboratoire d’art radiophonique avec des émissions sur la littérature africaine, la poésie, des documentaires touristiques et sociaux, André Francis propose un montage composé d’œuvres du poète martiniquais Aimé Césaire modulés par des musiques rares de Duke Ellington. Jugé efficace le responsable des émissions de variétés, François Billetdoux lui propose d’intégrer ce vivier de jeunes journalistes afin d’animer une émission consacrée aux musiques vivantes autrement dit au jazz. Il y produit des émissions de jazz avec Charles Delaunay (co-fondateur de la revue Jazz-Hot avec Hugues Panassié) et présente « Jazz Variétés » le dimanche matin avec lui. En avril de la même année, dans le grand studio de l’immeuble du Club d’Essai rue de l’Université, il organise son premier concert de jazz (Coleman Hawkins et Erroll Garner). Une multitude d’autres suivront, aussi bien avec les musiciens les plus célèbres qu’en devenir.

La suite n’est qu’une succession d’aventures musicales, discographiques, littéraires, radiophoniques, télévisuelles toujours consacrées au jazz et souvent obtenue de haute lutte : membre fondateur de l’Académie du jazz avec Jean Cocteau ; auteur de différents ouvrages de référence sur le jazz paru au Seuil; responsable du Bureau du jazz à Radio France; créateur du festival Musiques ouvertes de Châteauvallon; directeur artistique des festivals de jazz de Paris, de la Défense avec son Concours international, de Boulogne-Billancourt, d’Orléans et la Fête des Jazz de la Foire de Paris; producteur d’émission de Jazz à la Télévision Française; président fondateur de l’Orchestre National de Jazz crée par Jack Lang…

Il a tant enregistré et présenté de concerts, plus de 10 000, que sa voix et sa silhouette ne sont pas inconnues des spectateurs de nombreux festivals, et non des moindres, le Festival d’Antibes-Juan-les-Pins, la Grande Parade du Jazz de Nice, le Festival Django Reinhardt de Samois, le Jazz In Marciac… Sa voix est aussi gravée sur quelques disques, elle présente avec un tel aplomb les musiciens qu’il est impossible de douter de l’importance du moment (ceux de Miles Davis ou John Coltrane pour ne citer qu’eux). Son ami, le pianiste Martial Solal lui a consacré une composition, Sans Francisco sans Francis.

Lorsqu’en 1997, il prend sa retraite après 50 ans de radio, une soirée lui est dédiée à Radio France avec plus de 5 heures de concert en direct sur France Musique et la même année, dans le cadre des « Django d’or », il reçoit le Prix Django Reinhardt pour l’ensemble de sa carrière.

A la retraite, ce boulimique de travail élabore avec son ami Jean Schwarz, des coffrets de jazz qu’il produit pour le label Chant du Monde, notamment en 2011 « Une histoire du jazz » en quatre coffrets de 25 CD, qui retrace le premier demi-siècle d'épopée du jazz.

Par hasard, il est rentré à la radio à 22 ans mais il n’était pas un dilettante. Sa passion pour le jazz a été sa force de travail. Fait commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres, il a défendu tout au long de sa carrière, ceux en qui il discernait le talent, le phrasé, la créativité... Son regard bienveillant, plein de malice et d’humour n’a jamais cessé de les photographier sur scène puis de les dessiner, les peindre et de les exposer dans des clubs et festivals de jazz, en France et à l’étranger et des galeries.

Francis Marmande, dans son article du Monde du 19 février 2019, écrit « Il n’aurait pas eu le toupet de s’autoproclamer « journaliste exigeant » : il l’était. Il semblait servir une cause, faire œuvre d’une passion, et métier d’historien modeste : dans la vulgarisation au sens enviable du terme, comme dans la polémique dont il ne se privait pas... »

Vente ONLINE jusqu'au 25 juin 2020.
En collaboration avec ART RICHELIEU, Mt. DEBUREAUX.